Coup de cœur musical #16 : Marina Trench

DJ et productrice de musique, Marina Trench gravite autour de la scène électronique à Paris et en Europe. Elle mixe de la House et aime le rapport au vinyle. Création de son propre label, la danse, le milieu du Djing, son dernier EP, Marina s’est livrée sur ces différents sujets lors de notre échange !

Lise : Hello Marina, Peux-tu te présenter ?
Marina Trench :
 Je suis DJ et productrice de musique, ça fait un petit moment que je gravite autour de la scène électronique à Paris et en Europe. Je mixe de la House et j’aime le support du vinyle. J’ai créé mon label « Sweet state » en 2020 sur lequel sont sortis mes EP en février.

L. : Peux-tu me parler de tes influences ?
M.T. :
 Mes influences House, ce sont plutôt les racines de la musique nord-américaine (Soul, Disco, Jazz) donc assez large dans les couleurs et les sonorités. 

L. : Tu as sorti tes premiers EP avec d’autres labels, pourquoi ce choix de fonder ton propre label ?
M.T. :
 Mon premier EP est sorti en 2019, là c’est mon 6ème ou 7ème. Au départ j’ai commencé à sortir mes EP sur d’autres labels, ce que je vais continuer de faire.
J’ai monté mon label en parallèle pour proposer des sorties différentes, que j’oserais moins soumettre à des labels plus associés à certains codes de la House.
Là, je me sens plus libre, je peux penser le projet de A à Z. Je suis décisionnaire sur le choix des collaborateurs pour la promo, les artworks, les remix, les morceaux qui vont sortir…

« Quand on mixe avec du vinyle, ça demande plus de concentration, de technique. Le digital, comme le vinyle parle de notre époque, de la société dans laquelle on vit et ce serait dommage de s’en priver. »

Marina Trench

L. : Dans le futur, tu te verrais produire d’autres artistes avec ton label ?
M.T :
 Pour le moment j’ai d’autres projets mais à long terme, j’aimerais bien. Le fonctionnement des collabs que j’ai actuellement me semble plus en lien avec ce que je fais. Je suis une artiste émergente et mon label l’est aussi. Les choses se font en douceur, comme le nom de mon label « Sweet State ».
Ce n’est pas comme sortir un hit ou un tube où d’un coup tout le monde connaît ton projet. Ça prend du temps de développer une scène, d’autant plus que ce n’est pas une scène Pop ou Hip-Hop plus mainstream. Mon projet part d’un milieu un peu de niche que j’essaie d’ouvrir et de développer.

L. : Comment tu te définis aujourd’hui ?
M.T. :
 Dans l’ensemble, j’ai plus de facilité à me définir comme une artiste parce que c’est plus global. Par exemple sur mes dernières sorties, j’ai fait des mix sortis en décembre et des remix sortis en février. Pour les originaux, j’ai fait des capsules de clips. Même si mes envies sont toujours en lien avec la musique, c’était hyper important pour moi de les mettre visuellement en forme.

L. : D’où vient cette attirance pour la House ?
M.T. : J’ai grandi en banlieue parisienne, quand j’étais adolescente, j’adorais danser sur de la House dance, du Hip-Hop. J’étais déjà attirée par une musique qui appelle vraiment l’énergie de la danse. En revanche, je ne me sentais pas connaisseuse de ce style de musique, c’était vraiment un rapport physique. Après le bac, je suis partie faire mes études aux beaux-arts de Bordeaux. A ce moment-là j’ai rencontré un pote trop cool, avec qui j’ai grave matché sur ce même style de musique. Il avait un grand frère DJ qui m’a fait écouter pas mal de disques.
En faisant mes études à Bordeaux, j’ai choisi une option design, j’ai été très vite attirée par les histoires que raconte ce monde. Le support du vinyle, c’est un objet qui raconte l’histoire de cette culture.

L. :  Qu’est-ce qui est arrivé en premier, la musique ou la danse ?
M.T :
 Au départ, je dansais pour m’amuser avec mes potes. Ça m’a tellement plu que j’ai fini par prendre des cours de House dance à Paris. C’est l’époque du « Juste debout », des battles. C’était dans les années 2005-2006, j’avais 15-16 ans. Les dimanches on allait au June parce que y avait les soirées House, tu pouvais venir en jogging, faire des battles. Je pense que mon premier élan pour la musique a commencé comme ça.

L. : La plupart des DJ préfèrent le digital au vinyle. Comment tu situes ta pratique entre ces deux supports ? Notamment ton rapport au vinyle. 
M.T :
 Je fais la plupart de mes sets en vinyle, j’ai tout le temps mon bac à vinyles avec moi partout, même dans mes tournées à l’étranger. Evidemment j’ai toujours un backup USB. Quand on mixe avec du vinyle, ça demande plus de concentration, de technique. Le digital, comme le vinyle parle de notre époque, de la société dans laquelle on vit et ce serait dommage de s’en priver. 
Le vinyle, c’est ma projection à moi sur cette pratique, cette culture, à travers cet objet. J’aime ce que ça représente : j’aime digger des disques, en acheter. Je me constitue une identité à travers tous les disques que j’achète, les collections que je me constitue. Dès que je voyage pour aller mixer, j’ai toujours ce réflexe d’aller voir les disquaires de la ville. Pour moi, c’est un repère au milieu de ce rythme intense, du monde, de la météo et de ces horaires décalés.

« Les dimanches on allait au June parce que y avait les soirées House, tu pouvais venir en jogging, faire des battles. Je pense que mon premier élan pour la musique a commencé comme ça. »

Marina Trench

L. : Pour revenir à ton parcours, tu t’es lancée après tes études à Bordeaux ?
M.T :
 J’ai commencé à mixer là-bas avec les copains, à m’entrainer, puis progressivement faire des warm-up, mixer dans quelques bars dansants. Puis faire des premières parties pour des artistes, tester des closings, plein de choses. Quand je suis revenue à Paris en 2015, j’ai participé à une émission sur une ancienne web-radio qui s’appelait Le Mellotron. Ça m’a permis d’avoir un peu de visibilité, des demandes pour mixer. En 2017, j’ai pris la décision d’arrêter tout ce que je faisais à côté comme les boulots alimentaires pour me consacrer pleinement à ça. Depuis je ne fais que ça. Progressivement les choses se sont mises en place pour professionnaliser mon projet : avoir des agents, des éditeurs, des distributeurs.

L. : Comment définis-tu ton genre de musique ? 
M.T :
 C’est quelque chose que j’ai du mal à faire. Ma couleur musicale est House, mais j’aime naviguer entre plusieurs styles. Ce que j’aime dans mes sets, c’est exprimer une histoire, une intensité, un instant T avec le public devant moi dans le club. Et parfois j’aime aussi casser mon style House avec un son super disco. Je peux lâcher un gros track de EDM, de techno alors que ce n’est pas mon univers. Ça créé une surprise dans le set.

L. : Pour ton 4ème EP, tu as sorti un projet auto-produit Free mind avec deux autres artistes ? Comment est venue cette collab ?
M.T :
 C’est le premier EP de mon label avec une artiste anglaise (Anna Wall) et une allemande (Cinthie). Je suis très curieuse, je m’intéresse beaucoup à tout ce qui sort. C’est un petit milieu, tout le monde se connaît. Cinthie est très connue. On a eu une agent qui nous a pas mal connectées sur les dates, ce qui nous a permis de nous voir plusieurs fois. Elles sont elles-mêmes productrices, DJ. J’admire leur travail, je les soutiens, ça faisait vraiment sens pour moi.

Sur « Imperméable en été remix », il y a une française Tatiana James qui pour moi est un nouveau talent. Mon label sert aussi à mettre en lumière des artistes féminines talentueuses.

L : Être une femme dans la musique/le DJing, c’est un frein ?
M.T :
 C’est un milieu qui a toujours été un peu flemmard pour représenter les femmes sur scène ou assurer leur visibilité. Au même titre que tout le reste de la société, tout est lié. Depuis Metoo il y a eu énormément de changements positifs, mais il ne faut rien lâcher, c’est toujours d’actualité. Ça reste encore un peu timide, même si ça avance progressivement.
Là je m’adresse aux programmateurs, aux personnes de l’industrie : il faut continuer d’être curieux, alerte.

« Ce que j’aime dans mes sets, c’est exprimer une histoire, une intensité, un instant T avec le public devant moi dans le club. Et parfois j’aime aussi casser mon style House avec un son super disco. Je peux lâcher un gros track de EDM, de techno alors que ce n’est pas mon univers. »

Marina Trench


L : Quelle est la vibe que tu voulais apporter pour ton EP « Imperméable en été » ?
M.T :
 Je voulais faire un EP avec des vibes assez variées, des destinations d’écoute différentes. C’est un peu comme une histoire avec une intro, une fin et une péripétie au milieu.
Le morceau « Hirondelle » s’écoute plutôt au calme à la maison.  « L’orage » a plus l’énergie de la danse et fonctionne bien en club. « Ose » est plus disco, c’est un mix des deux qui s’écoute aussi bien en club qu’à la maison. 
La particularité de cet EP, c’est que j’ai posé ma voix en français. Je l’avais fait auparavant, mais en anglais.

L : Peux-tu me parler des 3 clips de « Imperméable en été », réalisés par Josic Jégu ?
M.T :
 C’était assez libre. Avec Josic, on a choisi le lieu, comment la caméra allait tourner (plan séquence). On a préféré des personnes de la vraie vie versus des acteurs pour qu’ils expriment leurs vibes à eux sur l’instant présent. Ça a donné des scènes avec des images très fortes sur les couleurs. Dans les trois capsules, on retrouve ce côté free from/ free expression. C’est justement pour ça que je n’ai pas voulu scénariser ces clips afin que chacun puisse y voir son interprétation. C’est assez expérimental et représente bien ce que j’ai voulu écrire avec l’EP. Au final c’est très DIY, comme tout ce que je fais sur le label.
Dans ces trois clips, y a toujours le bleu qui revient et d’autres éléments qui font ping pong. Chaque clip peut se regarder indépendamment, mais on a fait tout un travail pour les lier.

L : Quels sont tes projets pour la suite ? 
M.T :
 J’ai beaucoup de dates en France notamment dans des festivals.

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