En avril dernier, le québécois Peter Peter dévoilait Éther, son dernier album. Cet opus est beaucoup plus radical et électronique, avec un champ lexical mélancolique et contemplatif, autant dans les textes que dans les sonorités, qui s’apparentent à son monde intérieur.
Durant un entretien en visio entre France et Canada, j’ai pu discuter avec Peter Peter d’Ether, son nouvel opus, et de ses projets à venir.
Lise : La musique a toujours fait partie de ta vie ?
Peter Peter : J’écrivais beaucoup de poésie étant plus jeune, et c’est ce qui m’a amené à la musique. Des amis m’ont fait intégrer leur groupe de métal de l’époque, et j’y ai fait l’apprentissage de la musique en tant que chanteur. C’est après cette expérience que j’ai commencé une carrière solo.
J’avais des influences anglophones et je n’aimais pas trop, au départ, la façon dont ma voix sonnait en français. Ça m’a pris un moment avant d’arriver à proposer quelque chose que j’aimais, puis j’ai rapidement eu un contrat avec le label Québécois Audiogram, avec qui je collabore toujours aujourd’hui. J’ai aussi travaillé avec Sony lorsque j’habitais en France, entre mes 29 ans et 37 ans.
Lise : Tu es resté en France jusqu’en 2021, avant de retourner vivre au Canada. Quel est ton attachement à la France, est-ce qu’elle te manque ?
P.P : Pas trop en ce moment (rire), mais évidemment que, globalement, la France me manque ! J’y suis retourné pour des dates de ma tournée.
J’y ai vécu toute ma trentaine et je ne me voyais pas rentrer au Canada aussi tôt, j’étais même sur le point de demander la nationalité française. La pandémie est arrivée à ce moment-là, nous sommes rentrés à Montréal avec ma copine, on y a acheté un appartement, puis on l’a revendu pour vivre dans une maison à Québec, dans laquelle j’ai mon studio. Les mètres carrés de Paris ne me manquent pas (rire), mais la France, les amitiés que j’ai fondées, la proximité de tous les pays, le sentiment européen et la culture européenne me manquent.
Lise : Comment est la scène musicale à Québec ?
P.P : J’étais jeune quand je suis venu vivre en France, et lorsque je suis rentré au Canada, je ne faisais plus parti des jeunes (rire), la scène musicale a bien changée entre temps. Elle est riche, je trouve qu’il y a de bons artistes et que les jeunes artistes ont la possibilité de se faire entendre.
Lise : Tu as eu un soucis à l’ouïe récemment. Est-ce que tu as dû te poser la question d’arrêter la musique ?
P.P : C’est un problème qui existe encore et qui a des chances de s’empirer avec le temps. La question d’arrêter la musique, je me la suis posée dès le début, j’étais presque sur le point de vendre mon matériel sur l’équivalent du bon coin Québécois. Psychologiquement, c’était très dur à gérer, et j’avais d’énormes acouphènes qui m’empêchaient de dormir, donc, même physiquement, ça se compliquait aussi au quotidien. Je ne m’imaginais pas qu’un jour je m’y habituerai, mais, aujourd’hui, mon cerveau n’y fait plus attention.
Un jour, un ami est venu dans mon studio pour qu’on joue de la musique ensemble, et ça m’a donné envie de retravailler les morceaux de mon disque là où je les avais laissés avant cette perte auditive.
Malgré tout, je me dis encore régulièrement qu’arrêter la musique me permettrait de préserver l’ouïe qu’il me reste. Ça me fait réfléchir, j’ai encore envie d’entendre le chant des oiseaux dans 10 ans. Ça fait remettre les choses en perspective.
« Beaucoup de la lumière que j’avais prévu d’intégrer dans les sonorités s’est matérialisée par les Breakbeat. Au départ, c’est quelque chose qui me repoussait, et finalement je trouve que ça illumine le disque. »
Peter Peter
Lise : Dans ton dernier album, Éther, que tu as sorti le 12 avril 2024, tu parles de sujets d’actualité, de solitude, d’amour, l’addiction au téléphone… Comment as-tu réfléchi sa conception ?
P.P : Quand j’ai abordé ce nouvel album, j’avais une idée de texture plus que de propos. Naturellement, mon expérience du réel a guidé l’écriture et influencé mes textes. Les contraintes que je me suis fixées ont vraiment été sur les sonorités et sur les instruments que j’allais utiliser.
Je travaille encore à l’ancienne, sur des machines analogiques : des séquenceurs, des samplers… Je suis trop vieux pour avoir appris à me servir correctement d’un ordinateur, et je ne suis pas aussi créatif que lorsque je me sers de mes dispositifs.
Lise : Ton objectif, avec ce nouvel album, c’était de faire danser les gens ?
P.P : De les faire danser et bader, oui (rire). J’aurais pu faire un projet purement électronique, j’ai réfléchi à adopter ce parti pris ou non, mais j’avais quand même envie de garder des paroles et de proposer des chansons. Enfin, ça ne s’est pas réfléchi comme quelque chose de radical, je voulais pouvoir proposer un show avec une pulse éclectique. Et avec mon set up sur scène, on peut facilement modifier la structure d’une chanson en live pour continuer à faire danser les gens.
Lise : Tu joues beaucoup avec l’opposition entre l’ombre et la lumière dans tes titres, peux-tu m’en parler ?
P.P : Tout ce qui est sombre et mélancolique fait partie de moi et de ce que j’aime, mais j’avais envie de rajouter un peu de lumière dans les titres de cet album : pouvoir parler de sujet parfois sombres, mais avec une intensité joyeuse.
Beaucoup de la lumière que j’avais prévu d’intégrer dans les sonorités s’est matérialisée par les Breakbeat. Au départ, c’est quelque chose qui me repoussait, et finalement je trouve que ça illumine le disque. Ces Breakbeat sont aussi un certain clin d’œil à moi-même, ils font références aux sonorités des musiques des années 90s que j’écoutais.
« Malgré tout, je me dis encore régulièrement qu’arrêter la musique me permettrait de préserver l’ouïe qu’il me reste. Ça me fait réfléchir, j’ai encore envie d’entendre le chant des oiseaux dans 10 ans. »
Peter Peter
Lise : Comment se répartissent les rôles sur scène pendant tes concerts ?
P.P : On est cinq sur scène, moi je jouerai de la guitare, des synthés, et je gèrerai mes séquenceurs et mes samplers. Un gars jouera également des synthés, classiques et analogues, un autre du saxophone et du clavier. Il y aura également un batteur, qui aura un set up hybride, c’est-à-dire électronique et vraie batterie, ainsi qu’une fille qui joue des claviers et qui chante, mais qui ne pourra malheureusement pas venir avec nous pendant la tournée française.
Lise : Tu as déjà quelques dates de prévues ?
P.P : Oui j’ai une tournée de 14 dates en France et en Europe en 2024 et 2025.
Lise : Quels sont tes projets pour la suite ?
P.P : Je me concentre à fond sur la préparation du show, je pars en pré-prod avec le groupe et on aura quelques dates de concert d’ici à septembre, dont une le 12 septembre au Point Éphémère à Paris !
Sinon, j’ai prévu de passer du temps avec ma copine et mon chien cet été, et j’aimerais bientôt réussir à m’accorder à nouveau du temps pour écrire !